Commune de Diabo : « L’insatisfaction reste l’entêtement d’une minorité à toujours rejeter ce que nous faisons », Ousmane Boly, maire de la commune

Publié le lundi 13 août 2018 à 21h24min

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Commune de Diabo : « L’insatisfaction reste l’entêtement d’une minorité à toujours rejeter ce que nous faisons », Ousmane Boly, maire de la commune

Ousmane Boly est le maire de la commune rurale de Diabo, localité située dans la province du Gourma. Nous l’avons rencontré le jeudi 26 juillet 2018. Sans tabou, il évoque la vie de sa commune dans cet entretien.

Lefaso.net : Comment pouvez-vous présenter aux lecteurs la commune rurale de Diabo ?

Ousmane Boly (O.B.) : La commune de Diabo est située dans la province du Gourma, dans la région de l’Est du Burkina Faso. Elle est à environ 210 km de Ouagadougou, à 50 Km au Sud-Ouest du chef-lieu de la région de l’Est, Fada N’Gourma. La commune s’étend sur une superficie de 656 km2 et compte 64 villages et une dizaine de hameaux de culture avec une population estimée à 43 000 habitants en 2006 dont 52% de femmes. Diabo est une commune de migrants avec des communautés qui sont venues de plusieurs horizons pour bâtir un socle communautaire solide.

Lefaso.net : Quelles sont les potentialités dont regorge votre commune ?

O.B. :
Notre commune a une vocation agro-sylvo-pastorale très ancienne. À titre d’exemple, la commune de Diabo possède 18 bas-fonds aménagés sur une superficie estimée à 292,5 hectares. 80% des ménages pratiquent l’élevage avec un cheptel important qui ravitaille les marchés locaux, régionaux et sous-régionaux. L’élevage est l’un des pôles générateurs de revenus monétaires et le principal moyen de couverture des besoins essentiels des populations.
La pêche est également pratiquée dans les barrages de Zanré et de Lorgho. Les produits forestiers non-ligneux sont abondants et procurent également des revenus aux populations avec des reliques forestières importantes dans la partie sud et sud-est de la commune.

Lefaso.net : Quelle est, selon vous, la particularité de la commune de Diabo par rapport aux autres communes du Burkina ?

O.B. :
Je peux dire qu’avec ses 23 points d’eau dont trois barrages qui ont des eaux qui ne tarissent pas, la commune de Diabo est particulière par rapport aux autres. Ensuite la forte production de la patate douce constitue également une particularité. Le fait que Diabo soit un carrefour et un centre de transit pour les communes de la région du Centre-Est et la région de l’Est favorise mieux les échanges commerciaux.

Lefaso.net : Pouvez-vous présenter votre conseil municipal et donner votre appréciation de l’ambiance entre conseillers municipaux ?

O.B. : Notre conseil municipal est fort de 128 conseillers dont dix femmes. Nous ne sentons pas une quelconque différence entre les deux partis qui composent le conseil municipal. Le parti majoritaire dispose de 85 conseillers et est représenté dans le bureau communal par six conseillers contre trois à la deuxième force politique, qui a bénéficié du poste de deuxième adjoint au maire. L’ambiance est conviviale et fraternelle.

Lefaso.net : Quel rapport existe-t-il entre votre conseil municipal et les autres de la province ?

O.B. : Il existe une parfaite entente pour ne pas dire une complicité. Nous partageons régulièrement les informations et nous les invitons régulièrement à toutes les manifestations d’importance organisées par la commune. Nous pensons très bientôt formaliser des cadres de concertation entre nous.

Lefaso.net : Mise à part votre feuille de route officielle, quels sont, à titre personnel, les objectifs majeurs que vous vous êtes fixé pour chaque année de gestion de la commune ?

O.B. :
Améliorer les recettes propres à travers une meilleure implication des populations et une meilleure communication sur les actions du conseil municipal. À ce titre, la radio communale est de mon point de vue notre courroie de transmission et d’écoute des populations.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans la commune depuis l’arrivée de votre équipe ?

O.B. : Je crois d’abord que la manière de conduire le conseil municipal a fondamentalement changé. J’ai été de tous les conseils municipaux depuis 2006 et je suis mieux placé pour vous le dire. Les langues se délient et les débats sont francs. Cela aussi est dû à une série de formations orchestrées dès notre arrivée à la tête de la commune.

Les populations sont mieux informées et les actions du conseil municipal plus visibles grâce au concours de la radio municipale qui a commencé à émettre depuis novembre 2017. La jeunesse, les femmes sont encore mieux valorisées et impliqués à travers de nombreuses activités qui les mettent à l’avant-garde, notamment la coupe du maire, la semaine de la femme, etc.

Lefaso.net : La réussite de toute action de développement nécessite l’implication de la population de la localité. Avez-vous le sentiment d’être soutenu depuis votre arrivée à la tête de la commune ?

O.B. : Il est difficile de se faire une opinion soi-même, car il peut toujours avoir une certaine subjectivité. Cependant si je me fie aux émissions radio interactives au cours desquelles les gens expriment leurs sentiments, je constate que, de manière générale, les gens apprécient ce que nous faisons et ils s’y reconnaissent et s’engagent à nous accompagner.
Cependant, je me sens souvent incompris malgré mes engagements et mon amour pour ma collectivité qui n’a pas failli depuis ma tendre enfance et reconnue par tous ! Je revenais régulièrement les vacances pour les passer entièrement au village.

Lefaso.net : On sait que la plupart des communes éprouvent des difficultés dans l’exécution de leur Plan de développement communal (PCD). Avez-vous des partenaires qui vous accompagnent dans ce sens ?

O.B. : Il faut reconnaître que l’État fait des efforts inouïs pour accompagner les communes dans le cadre du transfert des compétences et des ressources. L’État est donc notre premier partenaire. La région de l’Est ne manque pas de partenaires et pour avoir servi dans plusieurs régions du Burkina, je peux tirer un motif de satisfaction. Mais il reste encore des efforts à fournir à notre niveau pour améliorer les sources de financement additionnel et nous nous y attelons tous les jours que Dieu fait. Le dynamisme du conseil municipal de Diabo lui vaut aussi l’attirance et la sympathie de plusieurs partenaires et le lobbying que nous faisons au quotidien présente des résultats satisfaisants.

Lefaso.net : Comment se présentent les secteurs sociaux comme la santé, l’éducation, l’eau, l’électricité, les routes... dans votre commune ?

O.B. : En matière de santé et en termes d’infrastructures, nous sommes en train de couvrir les besoins de la commune. En deux ans, nous avons construit ou compléter trois CSPS. Nous sommes en train d’en construire deux, à l’issue de quoi il faudra tout simplement renforcer l’existant en termes d’équipements et de réhabilitation afin de couvrir la carte sanitaire communale.

En matière d’approvisionnement en eau potable, la couverture en eau potable est en passe d’être atteinte et le chef-lieu dispose d’un système d’adduction en eau potable. Nous avons, en deux ans, réalisé plus de 20 forages. La couverture en électricité est au stade des villages en ce moment avec des projets également en énergie solaire. Il existe un projet de bitumage de la route qui relie la route nationale N°4 à Komyanga, en traversant Diabo.

Cependant, des efforts de désenclavement de certains gros villages doivent être encore réalisés. Le gros déficit demeure l’insuffisance des infrastructures scolaires. Nous avons un besoin réel d’une vingtaine de salles de classe à construire en trois ans avec les équipements qui vont avec.

Lefaso.net : À ce stade de gestion de la commune, sur quel plan tirez-vous le plus de satisfaction ?

O.B. : Le niveau de participation des conseillers municipaux aux sessions de plus de 85% au regard de la taille du conseil municipal (128 conseillers). L’animation est aussi satisfaisante car la parole est donnée à tout le monde et souvent nous débordons le temps imparti, à tel point que les débats sont animés et les conseillers oublient la faim et la fatigue qui vont avec. Nous avons été l’une des premières communes de la région à réviser notre plan communal d’investissement en 2017 et nous avons pu entamer, de manière soutenue, sa mise en œuvre.

Lefaso.net : En rapport avec la question précédente, quel est le gros point d’insatisfaction ?

O.B. : L’insatisfaction reste l’entêtement d’une minorité à toujours rejeter ce que nous faisons. Certains vont même jusqu’à tenter de décourager les conseillers assidus à ignorer les actions quotidiennes que nous posons pour le bonheur de la population. Ils rament à contre-courant de l’histoire et pensent qu’ils sont toujours en campagne électorale.

Lefaso.net : Quels sont les principaux défis qui se posent actuellement à votre commune ?

O.B. : Les défis sont nombreux. Une commune de 256 km², une population de 50 000 âmes et 64 villages, on peut imaginer que les besoins sont énormes. Il faut occuper la population à l’intersaison par des activités dans le domaine de l’élevage par l’embouche bovine, ovines et la volaille ; le domaine de l’agriculture par la culture de contre-saison avec l’irrigation et valoriser les produits forestiers non-ligneux. Cela passe par l’information/communication avec les acteurs pour leur permettre de disposer d’une panoplie d’informations sur les possibilités qui existent en termes de sources de financement, etc.

Il faut organiser les acteurs et les former, les aider à accéder aux micro-crédits. En dehors de ces actions, le secteur de l’éducation nous semble être un défi énorme à surmonter avec les salles de classes sous paillote à construire et les équipements à acquérir.

Lefaso.net : Quelle est la place des ressortissants de la commune dans votre schéma d’action ?

O.B. : Nous avons mis les ressortissants en première ligne de notre action de développement. Nous avons responsabilisé les conseillers régionaux pour coopter les ressortissants et travailler avec eux pour la mise en place d’une structure faitière. Des missions sont parties déjà dans plusieurs régions et nous sommes en train de capitaliser les résultats pour voir comment de manière ordonnée ils pourront contribuer efficacement à la mise en œuvre du PCD.

Lefaso.net : De nombreuses zones rurales se caractérisent par un faible taux de scolarisation des filles, leur maintien en milieu scolaire et des mariages précoces. Qu’en est-il dans votre commune ?

O.B. : En 2017, on a noté un taux de 54% pour les filles et 49% pour les garçons. Ce taux est relativement stable depuis un certain nombre d’années. Cependant, le taux de succès aux examens est faible pour les filles, certainement à cause des charges de travaux domestiques. Nous sommes accompagnés par quelques associations qui travaillent dans le domaine de la scolarisation de la jeune fille et des mariages précoces ; ce qui nous aide énormément.

Lefaso.net : On sait que la condition de la femme est encore plus difficile dans certaines parties du pays, du fait des caprices de la nature. Que prévoyez-vous sous votre mandat pour améliorer les conditions de vie de cette catégorie sociale dans votre circonscription ?

O.B. : Rappelons que la condition de la femme fait référence à leurs conditions de vie (tâches, dureté du travail, accessibilité à l’eau potable, santé, l’hygiène, l’éducation, etc.), mais que la situation de la femme renvoie à son statut ou position sociale par rapport aux hommes. Pour moi, les deux restent liées. Nous travaillons inlassablement à améliorer les conditions de la femme par la réalisation des infrastructures socioéconomiques et nous avons un droit de regard sur les avantages que ces infrastructures pourraient procurer à la femme.

Pour le second aspect qui demande beaucoup plus d’information /sensibilisation, cela prendra le temps qu’il faut. Cependant, avec les associations et la radio communale, des thèmes sont régulièrement développés pour nous aider à améliorer la position sociale et, croyez-moi, elle évolue petit à petit avec les exemples de femmes qui sont allées à l’école et qui sont des exemples de réussite dans nos villages, entraînant un effet de chaîne, et les lignes bougent.

Lefaso.net : La campagne agricole n’a pas du tout été satisfaisante dans nombre de localités du Burkina. Quelle est la situation à Diabo, et qu’envisagez-vous pour y faire face ?

O.B. : La situation à Diabo n’est pas bien différente des autres communes. La commune, malgré les dispositions prises au titre de mesures préventives en prévoyant dans le budget des ressources financières, l’ampleur des besoins limite nos capacités actuelles d’intervention. C’est en cela que l’apport de l’État est d’un grand concours. La vente des céréales à prix social, qui est bien organisé, nous a permis de juguler quelques difficultés. Nous venons encore de bénéficier de 40 tonnes en plus de ce que nous avions reçu en fin de saison sèche.

Lefaso.net : Qu’avez-vous comme message pour l’ensemble de votre population ?

O.B. : De continuer à croire qu’un développement réel de la commune est possible. À chacun de remplir son devoir citoyen qui consiste à être à jour de ses obligations vis-à-vis de sa collectivité en payant les taxes, droits de marchés, taxes charrettes, taxes armes, taxes agrégats, bas-fonds, etc.
Aux commerçants, je demande de toujours accueillir les agents des impôts comme des partenaires. Je demande aux citoyens de s’investir dans les travaux communautaires et d’être solidaires. Personne ne viendra nous développer à notre place.

Bref, il faut croire en un avenir radieux avec les filles et fils de Diabo. Tous unis autour d’un objectif : le développement de notre chère commune. À partir de là, les citoyens pourront légitimement nous demander des comptes et nous exiger toujours l’excellence dans ce que nous faisons. Je pense que nous allons également nous sacrifier pour le bonheur de nos populations. La vie n’a de sens que si nous laissons derrière nous des œuvres indélébiles pour la prospérité.

Entretien réalisé par
Soumaila Sana
Lefaso.net

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